Quand Paris s’enrhume, l’Europe prend froid !

À Paris, la rédaction nationale issue d’Info 2015 et de la mutualisation des « ressources » dédiées à l’info, va de restructuration en réorganisation et redéploiement. « Paris » est malade de ses nombreuses et multiples errances éditoriales et organisationnelles, « Paris » mise tout sur FranceInfo, qu’il faut à tout prix alimenter en journalistes, techniciens, moyens.

Au détriment du reste… La suppression du Grand Soir 3 d’abord, celle du 12/13 et du 19/20 de France 3 bientôt, sont en réalité des manifestations de cette recherche frénétique de moyens. La chasse aux postes est donc ouverte. Celui dédié à l’Europe par l’ex-rédaction nationale de France 3 en fait les frais.

A Bruxelles, depuis 25 ans, c’est Pascal Verdeau qui explique l’Europe aux téléspectateurs du service public de télévision, aux côtés de confrères successifs issus, eux, de France 2. Pascal Verdeau, qui quitte France Télévisions ces jours-ci pour une retraite méritée, et dont le travail de pédagogie et d’explication sur les sujets européens est incontestable.

Qui pour le remplacer ? Personne. A Bruxelles, dorénavant, ce sera donc un journaliste pour tout FTV. Quand les autres chaines européennes, elles, occupent le terrain – Arte par exemple : deux correspondants… ou encore les chaines publiques nationales allemandes ARD et ZDF, 6 journalistes à Bruxelles, sans compter ceux des chaines publiques régionales allemandes…

Alors oui, c’est vrai, il y a la « rédaction européenne » à Strasbourg. Qui s’est réduite, au fil des ans… de quatre journalistes à une journaliste aujourd’hui.

« Faire plus d’Europe », expliquer l’Europe, rapprocher l’Europe des Français… C’est un de nos objectifs, non ? Et paradoxalement, on rogne sur les moyens dédiés spécifiquement au traitement de sujets européens. L’ « Europe », c’est technique, c’est institutionnel, c’est beaucoup de relationnel, à Bruxelles, à Strasbourg, et savoir en parler ne s’improvise pas.

Si nous voulons vraiment « faire plus d’Europe », nous devons continuer à être là où les choses se décident. Il ne suffit pas de tourner des sujets sur les conséquences, en France, de décisions européennes, il faut également pouvoir les expliquer, ou en suivre le processus de décision. Et pour cela, il nous faut des spécialistes, sur place.

Nos téléspectateurs nous réclament, d’ailleurs, cette info de qualité et bien renseignée : en 2020, seulement 36% des Français s’estimaient bien informés sur l’actualité de l’Union Européenne. Après la pandémie, l’Europe fait face à d’autres crises : la guerre en Ukraine, l’inflation, l’alimentation des états membres en énergie… 72% des Français souhaitent être mieux informés de l’actualité européenne, et 64 % estiment que la couverture de l’actualité de l’Union européenne devrait figurer parmi les objectifs des TV et radios publiques ! Lire le rapport ICI.

Mais tout cela ne semble pas peser bien lourd, quand l’objectif est de réduire les effectifs ou de les redéployer vers le numérique ou vers la chaine info. L’Europe n’est donc qu’un sujet parmi d’autres.

« Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri, en disant l’Europe, l’Europe, l’Europe, mais finalement, cela n’aboutit à rien, et cela ne signifie rien ». (Charles de Gaulle, 14 décembre 1965).

Tellement vrai, à France Télévisions en 2022.

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