Déclaration liminaire du CSE Siège 20 et 21 octobre 2020

Pour sauver l’audiovisuel public, sauvons notre redevance !

Chers amis, chers collègues, nous mesurons tous depuis quelques mois les difficultés qui accablent notre pays.

Une crise économique qui frappe durement de nombreux secteurs d’activité, et dont nous aurions tort de penser qu’elle épargnera durablement les salariés de l’audiovisuel public… A cette heure, et alors que débute l’examen du prochain projet de loi de finance au Parlement, toutes les inquiétudes sont permises. Et la plus grande vigilance s’impose.

Car parmi toutes les propositions formulées par les députés cette année pour équilibrer les comptes publics, l’une, en provenance d’une quarantaine de députés de la majorité, incite à la plus grande prudence. Comme souvent, elle part de l’idée fort séduisante qu’il faut prendre en compte tous les nouveaux usages de la télévision, de la vidéo, les nouveaux écrans…

Et rendre la contribution à l’audiovisuel public, qui ne sera bientôt plus adossée à la taxe d’habitation, universelle… Ne plus assujettir la redevance à la possession d’un téléviseur, une idée qui à l’âge des tablettes et des smartphones sonne bien sur le papier, un objectif auquel nous pourrions tous autour de cette table souscrire sans réserve… Mais dont le corollaire, lui, ne rassure pas vraiment…

Car ces mêmes députés proposent en contrepartie une forte baisse de la redevance… Qu’ils souhaiteraient voir passer de 138 euros à seulement 100 euros.

S’agirait-il d’élargir l’assiette pour sanctuariser le budget de l’audiovisuel public ou d’amorcer une nouvelle baisse de nos ressources ? A la lecture de l’exposé des motifs, même les plus optimistes pourront avoir des doutes. Ces députés souhaiteraient surtout « poursuivre », c’est en toutes lettres, « la déflation fiscale ».

Dans ce contexte, la baisse du montant de la redevance ferait donc craindre un nouveau rabougrissement de nos recettes les plus essentielles.

En cette matière, les salariés de France Télévisions ont appris dans la douleur à se méfier des annonces de l’Etat-actionnaire synonymes de nouveaux sacrifices…

Dernière en date, l’année dernière, la baisse annoncée presque au même moment que cette année d’un euro de la contribution à l’audiovisuel public…

Une fluctuation qui sera restée imperceptible pour le contribuable, mais dont les conséquences se sont durement fait sentir pour de nombreux salariés de l’audiovisuel public, particulièrement à France Télévisions. En contrepartie de cet euro symbolique, l’audiovisuel public a instantanément été privé, d’un trait de plume, de vingt-huit millions de ressources.

Alors pourquoi mériterions-nous de subir de nouveau un tel traitement ? Serions-nous si généreusement dotés, en comparaison de nos voisins européens, qu’il faudrait urgemment, année après année, nous amputer d’une part significative des recettes qui nous font vivre ?

Comparée à ses voisins européens comme l’Allemagne, le Royaume Uni, ou même la Belgique, la France n’a pourtant rien d’un pays de privilégiés…

Chez nos voisins du Nord de l’Europe, le montant de cette redevance audiovisuelle est jusqu’à trois fois plus élevé qu’en France. Et cette contribution y est le plus souvent universelle…

Pourquoi vouloir sans cesse réduire les budgets de l’audiovisuel public ? Mais pour le sauver bien sûr ! Avec le même logiciel mortifère que celui qui s’applique depuis si longtemps, ailleurs, aux hôpitaux publics, dans l’éducation nationale, avec le succès que la crise du Covid-19 vient pourtant de mettre en lumière… Faire mieux avec moins, et l’année d’après, encore un peu mieux avec beaucoup moins… le slogan reste le même… Tout comme le déni des réalités qui l’accompagne et s’amplifie.

Alors que s’impose partout la nécessité d’un changement de modèle, d’une adaptation au numérique, ce mélange d’austérité et de sous-investissement chronique ne doit pas s’amplifier. Car il ne profite pour l’heure qu’aux opérateurs privés de SVOD, et particulièrement aux plateformes étrangères de SVOD. Des multinationales comme Netflix, Amazon, Disney +, dont le prix des abonnements, contrairement à la contribution à l’audiovisuel public, n’a cessé et ne cessera d’augmenter…

Si les français estiment aujourd’hui que la redevance leur coûte trop cher, c’est parce qu’ils payent cet abonnement en une fois… Peut-être faudrait-il le mensualiser pour qu’ils puissent se rendre compte que les radios et les télévisions publiques avec lesquelles ils se réveillent presque chaque matin et s’endorment presque chaque soir ne leur coûtent en tout et pour tout, qu’un peu plus de 11 euros par mois.

Moins que les 13 euros par mois d’un abonnement premium à Netflix, 167 euros par an de redevance privée ! Beaucoup moins que les 25 euros que certains dépensent sur Téléfoot pour pouvoir regarder, tout au plus, 4 matches de football chaque mois… Alors même que nous produisons infiniment plus de contenus.

L’audiovisuel public n’a pas à rougir d’être comparé à ses concurrents privés. Il est plus que jamais la clé de voûte de notre modèle culturel. Pourquoi vouloir poursuivre la réduction de ses recettes alors qu’il représente à lui seul 18 000 salariés, au moins autant d’emplois indirects, tous non délocalisables ? Chaque année, la redevance finance entre autres choses à hauteur de plus d’un milliard d’euros, des sociétés hexagonales qui paient l’intégralité de leurs impôts sur notre territoire…

On aimerait pouvoir en dire autant de Netflix, basé aux Pays-Bas, ou d’Amazon, avec sa filiale au Luxembourg, qui profitent à plein chaque année de nombreux dispositifs de contournement fiscal…

Alors bien sûr, la résistance à cette nouvelle concurrence doit passer par une offre équivalente sous pavillon français, dans laquelle l’audiovisuel public doit prendre toute sa place. A cet égard, il convient de saluer comme il se doit la naissance de la plateforme Salto, et de lui souhaiter de rencontrer le plus large public possible.

Mais comment s’adapter à ces nouveaux usages sans défendre les ressources qui rendent possibles toutes nos missions de service public ? Salariés comme dirigeants de l’audiovisuel public, il appartient désormais à chacun de nous de revendiquer avec fierté la redevance, et de la défendre avec obstination, car elle est le lien qui nous unit à tous nos compatriotes, parce qu’elle est la richesse de tous les Français.


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Paris, le 20 octobre 2020