ICI on produit à la chaîne et 100% transformé
Journalistes web, CEN, cadres numériques, vous le savez très certainement : depuis quelques semaines, nous, rédactions du réseau France 3, devons produire des articles pour le site ICI.
Le « rapprochement » voyez-vous.
En moyenne, en fonction des capacités, huit par semaine par région. Pro bono. Littéralement : “pour le bien”. Mais on ne sait pas bien de qui.

CTRL C, CTRL V : la nouvelle charte éditoriale
Car ces « petits » papiers se retrouveront sur un site qui, en termes d’audiences, de clics, ne nous rapporte absolument rien. Ici, alias francebleu.fr, est toujours, comme son url l’indique, le site dédié de nos collègues de feu France Bleu. Pas le nôtre.
Accepterions-nous cela pour la gloire ? Pas vraiment. Cette tâche ne procure aucune satisfaction professionnelle, ne requiert aucune compétence journalistique, aucune plus-value intellectuelle. Rien, si ce n’est maîtriser les touches CTRL C et CTRL V.
On nous avait promis une transformation numérique. On ne savait pas que la transformation, c’était nous. En imprimante.
Car enfin, il faut être honnête, ce qu’on nous demande (des copier-coller, à partir de Newsboard, des commentaires de reportages « d’hyper proximité, de portraits, d’initiatives, de belles histoires »), c’est du bâtonnage avec une matraque en caoutchouc.
Dans certaines antennes, ce sont les CEN qui seront chargés de cette tâche. Dans d’autres des rédacteurs web. A croire que même la direction numérique ignore si ces articles relèvent du journalisme, de l’édition ou du bricolage du dimanche.
Elle ose pourtant affirmer en CSE qu’il ne s’agit pas de faire uniquement de la transcription. Texto : « Si on se contente de faire ça, ça n’a aucun sens ».
Voilà.
Elle n’explique pas pour autant comment faire mieux. Surtout en « 30 minutes, pas plus ».
“Article du jour” façon very fast food
On dirait presque une pub pour un fast food. Digestion difficile incluse.
« 30 minutes, pas plus » a-t-on entendu dans une instance de proximité devant le juste émoi suscité par cette annonce.
Trente minutes pour produire un article que peu de monde liront (la page France 3 régions y est tout bonnement introuvable), qu’encore moins assumeront, et que personne ne sait même justifier… hormis peut-être la présidence.
Trente minutes pour naviguer dans un logiciel inconnu (Atlas), découvert au gré de pseudo formations Teams pas même planifiées.
Trente minutes pour tenter d’embedder une vidéo, insérer deux captures d’écran, coller un commentaire télé en changeant le temps des verbes et faire de la titraille. Puis disparaitre derrière une signature générique « France 3 régions » qui est contraire aux bases de la déontologie (un article = un auteur).
Trente minutes pour prouver, surtout, que ce travail ne compte pas, qu’on peut l’expédier, qu’il ne mérite ni temps ni considération. Considération dont manque aussi cruellement, au passage, ceux qui sont censés le faire.
La CFDT FTV s’oppose à cette production numérique low-cost, estampillée service public, qui augmentera, malgré l’incurie requise, la charge de travail des contributeurs web. Et qui sera faite au détriment d’articles de fond.
Elle n’augure rien de bon ni en termes de qualité de nos contenus ni d’organisation du travail quand la bascule de nos contenus sur l’url Ici.fr sera effective, en septembre 2026, peut-être.
La direction numérique écrit noir sur blanc, dans un mail, que « vous pouvez refuser » et que « personne n’est obligé de participer. » Ce qui ressemble beaucoup à : « Allez-y, faites-le… mais si vous ne le faites pas, c’est OK. Mais faites-le quand même. Mais non. Mais si. »
Eh bien nous, pour une fois, on va prendre la direction au mot.
Et pas besoin de 30 minutes pour nous positionner. Aucun salarié ne doit être obligé de mal exercer son métier.