De la Terre à la Lune (Chroniques d’un CSE intersidéral, librement inspirées de Jules Verne)

C’est un petit pas pour l’homme, un grand bond dans le bug. Le dernier CSE de la mandature s’est ouvert sur une ambiance digne d’un lancement de fusée soviétique des années 60 : visio en rade, son en orbite, dialogue en apesanteur. On aurait dit un remake de Voyage au centre du chaos. 

Les élus, tels des cosmonautes perdus dans l’espace, ont tenté de capter des signaux de la direction. Mais entre les coupures de connexion et les réponses en morse, la santé des salariés a été reléguée au second plan.  
(Voir notre liminaire « Dès que le vent soufflera ») 

À croire que le DUERP est un roman de science-fiction et le PAPRIPACT une énigme digne du Nautilus. 

Vingt mille maux sous les mers (ou la souffrance invisible)

Dans le réseau régional, la souffrance au travail est aussi systémique que les tempêtes dans L’Île mystérieuse. Les documents uniques tentent de cartographier les abysses du mal-être, mais les plans d’action ressemblent à des cartes au trésor sans X. 

Le Directeur des Risques Professionnels explique qu’il y a en effet un couac et que toutes les actions envisagées, ou en cours, pour éviter les risques et améliorer les conditions de travail, ne sont pas reportées dans les documents transmis aux élus. 

À Strasbourg, pourtant, miracle ! Un agent de la CARSAT et un expert externe ont réussi à faire surface. Leur méthode pourrait être dupliquée dans tout le réseau, mais à La Fabrique, on préfère le rapport de force à l’esprit constructif.

Résultat : entre l’appréciation anormale des dangers auxquels sont exposés les salariés et le flou dans l’interprétation de certains indicateurs, les élus refusent de donner un avis, préférant envoyer leur position par pigeon voyageur (ou mail, c’est selon). 

Le Tour du Handicap en 80 chiffres 

L’heure du bilan 2024 a sonné : le réseau compte 264 salariés en situation de handicap, soit 12 de plus qu’en 2023. À La Fabrique, ils sont 18 (sur 285 salariés), mais toujours aussi invisibles dans les bilans. On dirait qu’ils ont embarqué sur L’Étoile polaire sans laisser d’adresse. Dans le réseau, 43% des salariés RQTH sont journalistes et on y trouve autant de femmes que d’hommes.  

L’objectif de 3 recrutements fixé pour 2024 est largement dépassé avec 8 recrutements dans le réseau, 15 au niveau du groupe.  

Le taux d’emploi de travailleurs handicapés à France Télévisions atteint 8,62%, soit presque le double de la moyenne nationale. Bravo !  

95% du budget handicap a été utilisé en 2024 contre 75% l’année précédente, pour un montant identique de 420 000€. 

Mais attention, derrière les chiffres se cachent des réalités moins reluisantes : pas de tickets resto pour les télétravailleurs RQTH, des binômes égalité des chances aussi visibles qu’un sous-marin en plongée, et des justificatifs d’absence demandés sans base légale. 
(Voir le compte-rendu de la commission handicap) 

Voyage au centre du site Ici.fr 

C’est l’histoire d’un projet qui avance, recule, pivote, puis fait un triple salto arrière. Les articles pour Ici.fr, autrefois rédigés par la coordination centrale, doivent désormais être produits par les antennes régionales. Mais pas d’inquiétude, nous dit-on : ce sera intégré à la production quotidienne. Traduction : débrouillez-vous !

Le 6 octobre, lancement prévu. Le 6 octobre, lancement annulé. Machine arrière toutes ! On analyse les retours d’expérience, on découvre un nouvel outil (Atlas : le PIC de Radio France), on crée des comptes, on forme les équipes. Bref, on rame comme le capitaine Nemo dans une mer d’algorithmes. 

Objectif : 60 articles par semaine en haute activité, 35 pendant les vacances. Des portraits, des belles histoires, du local, du doux. Mais attention, pas de copier-coller ni de transcription automatique. On veut du vrai, du pur, du rédactionnel. Enfin, c’est ce que nous dit la directrice des programmes de proximité et du numérique. Nous, on attend de voir si le Centre de la Terre ne s’effondre pas. 

Et comme dans tout bon roman de Jules Verne, la fin est ouverte. Dès septembre, tous les articles basculeront sur Ici.fr, le nouveau phare de l’info régionale. Franceinfo.fr se recentre sur le national et l’international. Mais attention, nous dit Xavier Riboulet, directeur de projet pour le rapprochement France 3 et France Bleu, « Il faut éviter la catastrophe ». 

Avec 160 articles produits quotidiennement, le réseau représente 37 à 42% du trafic actuel du site franceinfo.fr. Après la bascule ? Mystère. Des passerelles existeront entre les deux sites. Des passerelles ? Comme celles du Nautilus ? On espère qu’elles tiendront le choc. 

BIP d’Arles : itinéraire d’un projet pas très clair  

Bienvenue en Arles, nouveau terrain d’expérimentation pour la direction. Le Bureau d’Information de Proximité, alias le BIP, aurait pu accueillir un projet de Reporteur en Résidence… mais chut, les élus n’étaient pas au courant. Secret d’État ou oubli cosmique ? 

Aujourd’hui, c’est une organisation bicéphale qui débarque : un binôme Occitanie–PACA, encadré par les deux régions. Une première dans le réseau, et déjà des migraines pour les élus en termes d’organisation, de planification et de coordination. Qui gère quoi ? Les congés, le temps de travail, la rotation des week-ends, l’entretien annuel… Une semaine sur deux, l’équipe change de rédaction en chef. Marseille, Nîmes, Montpellier… on dirait le périple de Michel Strogoff. Un voyage extraordinaire. 

La direction promet fluidité et coordination. Nous, on demande des plannings clairs, des arbitrages écrits, et une évaluation de la charge de travail.

Résultat : expertise votée. (Voir la résolution). À suivre dans le prochain épisode. 

Les Jeux d’hiver : chroniques d’un froid polaire 

Milan-Cortina, théâtre des JO d’hiver, où nos collègues du réseau vont braver les éléments… et les kilomètres. Deux équipes régionales sélectionnées : deux journalistes et un monteur de Rhône-Alpes et trois journalistes (dont un dédié au web) et un monteur pour la Franche-Comté. Deux équipes du réseau sans coordinateur ni OPS sur place qui, après les directs du midi, les sujets quotidiens et les duplex de 7’30 dans le 19/20, devront affronter deux heures de route pour rejoindre l’hébergement. À ce rythme, on frôle l’expédition arctique.

Les équipes nationales seront logées sur site, bien au chaud. Les régionales, elles, devront se débrouiller avec des horaires dignes d’un roman de Jules Verne : 60 heures autour du JT. On a rendu un avis sur ces dérogations horaires, mais le froid reste glacial. (Voir l’avis du CSE)

La Fabrique : l’organisation mystérieuse 

Comment faire simple quand on peut faire compliqué ? Voilà une devise qui semble gravée à l’entrée de La Fabrique et jusque dans l’organigramme. 

Au commencement, il fallait centraliser les moyens et les ressources. Puis, la direction a décidé de réorganiser l’ensemble pour mieux coller à la « proximité ». Résultat : une structure bicéphale où la planification des salariés est confiée aux directions déléguées, tandis que celle des moyens techniques reste entre les mains de la direction déléguée de la commande client (la fameuse DDCC, alias le capitaine Nemo de la planification). 

Ce sera peut-être plus clair avec les organigrammes avant/après : (ou pas !) 

Et donc qui pilote le plan de charge ? Le directeur délégué à la commande client, bien sûr. Et qui est le point d’entrée de toutes les demandes ? La DDCC. Et qui a été informé de cette réorganisation ? Pas le CSE. Car selon la direction, cela ne concernait que 22 personnes. 22 000 lieues sous le seuil d’alerte syndicale. 

Les élus, eux, découvrent cette réorganisation après plusieurs mois, comme on découvre un passage secret dans un roman de Jules Verne : par hasard, et avec un mélange de stupeur et d’ironie. On nous parle de « rapprochement entre planificateurs et exploitants », mais sans carte, sans boussole, et surtout sans prévenir les passagers. 

Vidéo mobile : le Nautilus du broadcast  

Flotte en déroute, équipage en transit : la vidéo mobile de La Fabrique vit ses dernières heures. Les deux cars benjamins ? Un fermé en août, l’autre prévu pour décembre. Réaffectations en cascade, mais les salariés concernés contestent la version officielle.  

Et pendant que la DRH affirme que le car de Marseille s’arrête, des devis sont en cours pour des travaux en janvier. Ce car serait-il en train de ressusciter ? GENESYS est à l’arrêt, mais les consultations continuent. Les salariés du car ne l’exploiteront pas, mais formeront ceux du siège. Transfert de compétences ou téléportation ? 

Sept ans, deux mandatures, et toujours pas de règlement intérieur pérenne. La direction a contesté le texte en justice. Une médiation est en cours, mais les espoirs sont aussi minces qu’un filin de ballon dirigeable. Verdict le 10 février 2026, sauf miracle. Le Tour du Code en 7 ans, bientôt au cinéma. 

Passage de témoin : le marathon des élus 

Dernier CSE de la mandature 2022–2025. Certains élus repartent pour un tour, d’autres passent le relais. Mais attention, ce n’est pas une balade de santé : c’est du cross-country, version Voyage au bout de l’épuisement. 15 expertises pour risques graves, 25 enquêtes paritaires suite à des Accidents du Travail, majoritairement pour des troubles psychologiques, et une direction sourde comme un scaphandre. 

Les ordonnances Macron ne nous ont pas non plus facilité le travail en agglomérant les ex CHSCT, DP et CE en une seule instance, le CSE. Et tout cela dans un contexte de sous-financement qui ne semble pas avoir touché le fond.  

Budget 2026 : le CSE et le coffre aux merveilles 

Poste budgétaire 2025 2026 prévisionnel 
Activités Economiques et Professionnelles 475 000 € 548 000 €  
(déficit de 72 000 €) 
Activités Sociales et Culturelles 2 200 000 € 2 250 000 €  
(déficit de 235 000 €) 

Les plus gros postes : 

  • Dotations antennes : 500 000 € 
  • Voyages : 350 000 € 
  • Chèques culture : 340 000 € 
  • Cadeaux de Noël : 260 000 € 
  • Subventions culture/loisirs/hébergement : 210 000 € 

Séverine Dangin, Metz; Pascal Lefebvre, Lille; Bruno Espalieu, Lille;

Yvonne Roehrig, Strasbourg; Frédéric Maillard, La Fabrique Sud;

Olivier Mélinand, Brest; Nicolas Marousez, Amiens.