La théorie du chaos

Nous sommes inquiets. Inquiets et consternés par les événements qui se succèdent et qui, chaque jour un peu plus, assombrissent l’horizon à France Télévisions.

Voilà les faits : les attaques contre le service public de télévision, conjuguées à une instabilité politique met en danger notre budget, nos projets, l’avenir de France Télévisions.

Dans notre entreprise, les salariés ressentent un flottement à tous les étages : le navire est en perdition, les officiers quittent le bateau. Après le directeur des technologies, voici la directrice des ressources humaines qui s’en va. Dans un communiqué, madame la présidente, vous lui souhaitez « le meilleur dans son nouveau projet professionnel ».

Et nous ? Et maintenant ? La DRH quitte le navire alors que vous avez engagé à marche forcée une renégociation de notre accord collectif. Ce que vous appelez pudiquement, pour complaire à vos soutiens de l’extérieur, une « modernisation de France Télévisions », annonce en réalité une casse sociale que votre DRH n’a peut-être pas voulu porter et signer de son nom.

Vous voilà seule, avec un petit carré de fidèles, et nous ne comprenons toujours pas où vous voulez conduire France Télévisions. Dans cette course sans boussole, l’information va passer sous le contrôle de votre bras droit, qui fait aussi office de bras gauche. Il n’a jamais été journaliste, qu’à cela ne tienne, il les dirigera tous. Il a été militant politique, qu’à cela ne tienne, il sera le garant de la neutralité de l’information du service public…

Il a, par ses décisions, installé et cautionné un malaise durable dans de nombreux services ? Qu’à cela ne tienne, il veillera à tirer les leçons du rapport CEDAET sur la profonde crise qui secoue la rédaction nationale.

En bon théoricien du chaos, il a largement contribué à détruire la marque France 3 pour installer cet « Ici » qui n’est en réalité nulle part. Qu’à cela ne tienne, il en fera aussi son affaire.

Mais où menez-vous France Télévisions, si ce n’est au chaos ? Vous vous inscrivez dans les pas de ceux qui nous gouvernent : ne pas lâcher le pouvoir, le conserver à tout prix. Imposer des réformes, transformer à tout prix, casser le modèle social, et peu importe les blessures profondes infligées aux salariés auxquels le message adressé est « marche ou crève ».  Ériger l’instabilité comme méthode, au nom d’une agilité fantasmée : personne n’est à l’abri, il faut avancer au pas de l’oie, courir pour réformer vite et n’importe comment. Bouger, s’agiter, occuper l’espace public parce que tant qu’on fait mine d’avancer, on pense qu’on ne va pas tomber…

Dans ces très sombres heures que nous vivons, que vous nous faites subir, il y a toutefois une éclaircie : la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2026 pour relancer France Ô, la chaîne des Outre-mer, disparue en 2020. Ce retour de France Ô permettrait de réparer une autre blessure démocratique : l’effacement, l’invisibilisation des Outre-mer.

Et vous, madame la présidente ? Aurez-vous le courage et l’honnêteté de reconnaitre vos erreurs stratégiques ? De réparer ce qui a été brisé ? Dans cette mortifère fuite en avant, il est peut-être encore temps d’admettre qu’il est urgent de tout remettre à plat pour mettre fin à la théorie du chaos qui, chaque jour davantage, nous met en péril.