Compte-rendu DU CSE RÉSEAU DES 15 ET 16 octoBRE 2025
« Ce rêve bleu… » chantait Aladdin, les yeux brillants, la tête dans les étoiles, et le cœur gonflé d’espoir. Dans le réseau, on chante aussi. Mais c’est plutôt « Ce rêve flou », version corporate, avec un tapis volant cloué au sol par les ETP manquants, les CDD éclairs et les bilans sociaux qui font pleurer même les génies.
Ce CSE d’octobre est en fait plus proche des mille et unes horreurs que des mille et unes splendeurs. On vous le disait dans notre liminaire « Un JT ou un sort ! » c’est Halloween avant l’heure dans les antennes régionales.
Le rêve bleu à deux est en réalité de moins en moins fabuleux. Même si, on doit bien l’avouer, France 3 et France Bleu ont quelques points communs : leur couleur, leur budget en berne, leur précarité galopante et leur salariés épuisés.

Sur le papier, c’est Aladdin et Jasmine sur leur tapis volant. Dans les couloirs, c’est plutôt deux radeaux en polystyrène qui tentent de flotter dans une mer déchainée. Et l’expertise sur la compression des effectifs du réseau vient le confirmer.
Effectifs : « Le pire est devant nous ! »
L’experte est formelle : derrière les promesses de synergie enchantée, c’est une érosion lente mais bien réelle des effectifs qui s’installe. Pas de compression brutale, pas de plan social officiel, non. Trop voyant. Ici, on préfère la méthode douce : la disparition par capillarité, la mort lente, élégante, des métiers, l’évaporation silencieuse des marges de manœuvre. Le rêve bleu devient un mirage budgétaire, où l’on pilote à vue, sans carte ni boussole, dans un ciel de plus en plus chargé.
L’entreprise est trop lourde pour voler, trop rigide pour se transformer, trop obsédée par les coûts pour rêver. Kafkaïen, disent certains. Et demain, avec les départs en retraite, la pente sera plus raide. Pas de mise à plat globale, pas de cap clair, juste une navigation en mode « tapis volant troué », où chaque rafale budgétaire menace de faire tomber un métier de plus.
La direction du réseau ne cache plus la météo : « Oui, le budget est réduit d’année en année. Oui, l’effort repose sur les non-permanents. Oui, il y a moins d’alternants. Et non, nous n’avons pas de plan. » Voilà qui rassure.
La GPEPP ? Une incantation sans effet. L’évaluation de la charge de travail ? Artisanale, chacun dans son coin, comme des génies sans lampe. Et la formation ? Aux abonnés absents, comme si l’appropriation des transformations se faisait par magie.
« On ne va pas réécrire l’histoire. Ce qu’on nous demande, c’est d’écrire une nouvelle histoire. » nous dit le directeur du réseau. Très bien. Mais avec quoi ? Des stylos vides ? Des feuilles volantes ? Des rédactions en apnée ? Des techniciens assommés ?
Tapis volant, sol glissant, bilan flottant
Au menu de ce CSE aussi : non pas 3 vœux, ni 3 souhaits exaucés, vous vous en doutez, mais 3 points importants (assommant pour certains) : le compte-rendu de la commission emploi-formation, celui de la Comeco et le bilan social. En résumé : des chiffres, des chiffres et encore des chiffres… Nous avons frotté notre lampe magique pour tenter de vous résumer tout cela sans trop vous barber.
Emploi : le rêve creux
Au 30 juin 2025, les antennes du réseau France 3 ne comptaient plus que 2 698 salariés permanents. Une saignée de 32,7 ETP en un an, dont 16,5 rien que sur le premier semestre.
Et comme dans tout bon conte, les heures supplémentaires ont disparu : -24 % par rapport à 2024. Le génie est fatigué, et les programmes fabriqués en interne ressemblent de plus en plus à des lampes sans huile.
La Fabrique, elle, joue les génies de pacotille. 422,5 ETP moyens en juin 2025, soit -11,5 en un an. Derrière ces chiffres, une stratégie digne de Jafar : on supprime 19,2 CDI, on compense avec des CDD éclairs.
Le tapis vole, mais il est en location courte durée.

Bilan social 2024 : tapis en équilibre instable.
42 687 CDD en 2024, durée moyenne : 2,53 jours. Moins de 2 jours pour les intermittents. Une pyramide des âges qui penche dangereusement : 38 % des salariés ont plus de 55 ans, âge moyen : 49,9 ans. Et les contrats d’alternance chutent de 30 %. Le rêve bleu vire au gris anthracite.
Les salaires ? En progression molle. Les 10 salariés les mieux payés du réseau touchent 153 626 € par an, +13 938 € en 3 ans. Les 10 plus bas plafonnent à 33 463 €. Le tapis vole, mais pas pour tout le monde.
L’absentéisme grimpe à 6,8 %, avec des pics inquiétants chez les seniors et à 7,9 % chez les journalistes de terrain.
Pour la Cfdt, il est urgent de redonner du sens au travail, de questionner la structure managériale de l’entreprise et de s’intéresser à tous ceux qui font tourner la lampe sans jamais voir le tapis. Les efforts sur l’emploi ont déjà beaucoup trop reposé sur les opérationnels.
Réseau régional : le bon génie de FTV
C’est presque incroyable ! Les antennes du réseau parviennent à faire disparaitre les millions comme par magie. Alors que la direction demande 16 M€ d’économies supplémentaires aux différentes entités de FTV (dont 3,7 M€ aux régions), le réseau affiche, au 30 juin, 14 millions d’euros d’économies. Autrement dit, il a déjà assumé une grande part des efforts demandés, en un semestre.

C’est lui qui tire France Télévisions vers le haut, pendant que les autres rament. Mais attention, la reprévision 2025 promet encore plus d’économies. Conservera-t-on cette avance ? Mystère. La direction financière, elle, joue les Sphinx : « Pas de mesures supplémentaires d’ici la fin d’année. »
Et si, au lieu de rêver en bleu, on rêvait en humain ? Ces économies pourraient-elles servir à soulager les équipes épuisées dans les antennes ? À renforcer les collectifs ? À éviter que le rêve ne vire au burn-out ? La réponse officielle : « Si un besoin est exprimé, il sera étudié. » Autrement dit : frottez la lampe, croisez les doigts, et attendez que le génie ait fini sa réunion budgétaire.
Mais vous allez vite comprendre que ce n’est pas gagné…
CSEC : on vend le tapis pour payer les factures
Delphine Ernotte, présidente du CSE Central, est d’abord revenue sur l’affaire Legrand/Cohen, le rapport de la Cour des comptes, l’instrumentalisation de la sphère Bolloré avant d’afficher son soutien à la liberté des journalistes. Mais derrière le rideau, c’est l’attaque en règle contre les acquis sociaux.
Côté finances, rien ne va plus. Et la présidente reconnaît enfin que l’entreprise est en danger. Solution envisagée pour ramener du cash : vendre les bâtiments et en devenir locataire ensuite. Une arme à un seul coup car si nous devons faire face à de nouvelles difficultés de financements, nous n’aurons plus aucune marge de manœuvre ! Le tapis se sera envolé…
Et à force de frotter la lampe, on finira par faire apparaître… des plans sociaux.
Le 20h de France 2 tangue aussi comme un tapis volant en pleine turbulence. Après une série de confusions embarrassantes (Dominique Bernard confondu avec Samuel Paty, Claude Guéant rebaptisé à l’antenne) Delphine Ernotte a dégainé l’arme ultime : l’audit. Et rattaché la direction de l’info à celle des programmes. Un grand nettoyage de printemps en plein automne, censé restaurer la crédibilité d’un JT qui, certains soirs, ressemble plus à une lampe magique mal calibrée qu’à un phare de l’information.
Antenne et programmes : Jafar en embuscade
(Voir le CR de la commission antennes et programmes)
Dans le réseau, officiellement, chaque antenne fait sa tambouille. Les productions varient selon les moyens, les effectifs, et surtout le volontarisme des directeurs régionaux. Pas de ligne directrice. Juste une politique maison : délinéariser, séduire les jeunes, voler vers les plateformes et faire d’Arte.tv un modèle. Mais derrière le rideau, c’est Jafar qui tient les rênes : pilotage par les coûts, bricolage éditorial, et disparités régionales dignes d’un royaume sans vizir.
L’expérience « Slow TV » se poursuit : après le brâme du cerf en septembre sur France 3 Paris Ile-de-France, France 3 Normandie vous prépare pour novembre une semaine contemplative sur le Mont Saint-Michel.
Pendant ce temps, la fabrication de VEF s’arrête, les plateaux se vident, et les équipes internes tournent en rond. Si les PAE trouvent leur public, Dimanche en politique fait trop peu d’audience, Enquêtes de Région plafonne à 4 %, et « On vous emmène ici », ce 7 minutes de fin de JT, est accueilli en région comme un nouveau sort jeté par Jafar : visio imposée, sujets recyclés, chute d’audience évitée à coups de magie low-cost.
Sur le numérique, le rêve bleu devient une URL : ici.fr. La bascule est irrémédiable pour Delphine Vialanet, la directrice des programmes de proximité. Mais personne ne sait quand elle aura lieu. Radio France doit changer d’adresse d’abord. Mai 2026, peut-être. « La question primordiale est de ne pas abimer l’audience de franceinfo.fr », nous dit-elle, car l’offre complémentaire des régions représente 40% du trafic actuel du site. On peut toujours frotter la lampe!

En attendant, les régions publient pour France Bleu, sans compensation. Dix articles par jour, cinq le week-end, à la place d’autres publications. Pas en plus. Aujourd’hui, les coordinateurs numériques, demain les contributeurs web. Les élus s’inquiètent : prêt de main-d’œuvre ? Droits d’auteur ? Signature ? La direction promet que tout est cadré et que des négociations sont en cours. Mais pour l’heure tout est suspendu jusqu’à nouvel ordre. Le temps d’analyser les retours d’expérience nous dit-on !
Et sur les réseaux sociaux, on en appelle au bon génie : vidéos verticales, expérimentations, pratiques sauvages. Une négociation est prévue. En attendant, la direction oppose les métiers. Le numérique devient un patchwork de contenus sans cadre ni cohérence, mais avec 11 millions de suiveurs et un milliard de vues. Jafar jubile.
Quant aux locales ? En 2017, on voulait les supprimer. Depuis, plus rien. Pas de projet, pas de feuille de route. 18 locales diffusent encore, souvent en TNT, parfois en mode fantôme. Michel Dumoret, le nouveau directeur de l’info régionale le dit : la proximité est une priorité. Mais chaque région fait comme elle peut. Les locales sont devenues des variables d’ajustement budgétaire. Pas question d’investir pour les mettre sur les Box. Trop cher. En revanche, on multiplie les canaux pour les matinales radio. Pour des audiences désastreuses.
La fin de la TNT est programmée pour 2030. Si rien ne change, si rien n’est anticipé, les locales s’éteindront avec le signal. Et Jasmine n’aura plus que les réseaux sociaux pour chanter.
Mission improbable : la brigade d’élite volante
Dans tout bon conte, il y a une élection. Pas celle du sultan, mais celle des municipales. Une échéance à ne pas rater pour le réseau qui fait craindre l’accident de tapis à la direction, contexte oblige.
Le directeur du réseau nous annonce donc qu’une « task force » avec deux documentalistes référents, deux rédacteurs en chef, deux adjoints et deux coordinateurs numériques a été désignée tout récemment. Sa mission ? Coordonner, déployer ÉLEC+, et faire en sorte que le tapis ne se prenne pas dans les câbles du logiciel.
Occitanie : le bureau magique rétrécit au lavage
En juin, on nous vendait un Bureau d’Information de Proximité flambant neuf à Auch : 50 m², un local de stockage, une douche pour les reporters rincés. En octobre, Jafar repasse derrière : plus de stockage, plus de douche, et les bureaux fondent à 35 m². Le tout imposé par un « schéma directeur » sorti d’une lampe sans génie. Les élus votent contre. Le rêve bleu ? Une cabine de plage repeinte en turquoise.

CSSCT : attendons-nous que le tapis se déchire ?
Deux réunions, même refrain : les salariés vont mal. Médecins, psy, assistantes sociales, absentéisme… tout clignote rouge. Les plans d’actions et autres enquêtes paritaires ne parviennent toujours pas à inverser la tendance. La direction prône la patience et mise sur la sensibilisation et la responsabilisation des managers. Traduction : on croise les doigts et on attend que ça passe. Sauf que du temps, on n’en a pas ! On va bientôt devoir faire face aux « impacts sociaux » des nouvelles coupes budgétaires.
Alors comment mesurer la charge de travail et détecter burn-out ou bore-out ? Un désaccord sur la méthode reporte l’examen du sujet au CSE Central. Le dossier sera donc pris en charge par les nouveaux élus au CSE, après les élections professionnelles.
CIORTF : les vacances sous perfusion
Le financement du CIORTF vacille. Coûts en hausse (matières premières, énergie, …), travaux à financer : la trésorerie est appelée en renfort… et comme si cela ne suffisait pas, Radio France menace maintenant de se retirer. Avec 30 % des subventions en moins, ce serait l’effondrement. Insurmontable…
Les élus comptent bien défendre ce patrimoine en justice. En attendant, on serre les boulons. Un plan de gestion au cordeau est lancé.
Le rêve bleu est devenu un camping solidaire sous alerte budgétaire.
Et pour l’instant, le tapis reste cloué au sol, les génies sont épuisés.
Prochain CSE Réseau
les 04 et 05 novembre 2025
Votre représentante syndicale et vos élus Cfdt :
Séverine Dangin, Metz ; Pascal Lefebvre, Lille ; Bruno Espalieu, Lille ; Violette Del Vecchio, Bordeaux ; Frédéric Maillard, La Fabrique Sud ; Olivier Mélinand, Brest.
