Un JT (un vrai) ou on sort 

Dans les antennes régionales, c’est Halloween avant l’heure. Des rédactions fantômes. Des journalistes zombies. Des programmes qui font peur… mais pas pour les bonnes raisons.  On aurait pu faire une soirée spéciale “frissons de l’info”, mais on n’a plus les moyens pour les effets spéciaux. Alors on diffuse un sujet sur les déguisements faits maison, monté à la bougie, avec une voix off enregistrée dans les toilettes ou depuis la voiture.

Le décor est planté. « Ici », ni citrouilles, ni bonbons, juste des squelettes : ceux des postes gelés, des moyens envolés et des ambitions enterrées. Nous sommes entrés dans l’ère du DIY (Do it yourself) : l’art de la bricole qui tous les jours fait des miracles.  

La Cour des comptes veut faire entrer l’éléphant dans une voiturette de golf. Du coup, la direction financière fait de la magie noire budgétaire et quelques incantations plus tard : le réseau, censé incarner la proximité, la voix des territoires … s’est transformé en MJC. On bidouille, on improvise, on fait ce qu’on peut. Plus vraiment de la télé… mais de l’animation de quartier. Qu’à cela ne tienne. 

Le réseau doit faire plus avec rien, et même avec moins… un peu comme un ado qui rêve de devenir influenceur mais qui n’a qu’un Nokia 3310 et un forfait bloqué. 

Aujourd’hui, les frissons ne viennent plus des scoops… mais des sujets imposés comme des sorts jetés à l’antenne. Morte la liberté éditoriale des régions. Enterrés les conducteurs à notre main. Paris impose désormais l’ouverture de nos JT (5 octobre) et des éditions spéciales (8 octobre) pour couvrir la politique fiction à grands coups de micro trott de province.  

Ne sommes-nous donc pas capables de traiter l’actualité politique par nous-mêmes ? De la décliner, sérieusement, en région, au plus proche de nos téléspectateurs ? Non, apparemment, nos cerveaux ont fondu comme citrouilles au soleil. À moins qu’ils n’aient été dévorés par les monstres du formatage. 

Car dans ce décor de maison hantée, le journaliste du réseau est sommé de faire des vidéos verticales, des stories, des réels, et pourquoi pas une danse TikTok sur la réforme des retraites version bal des vampires.  

Mais attention au mélange des genres, le journaliste n’est pas un influenceur. L’un enquête, l’autre s’expose. L’un vérifie ses sources, l’autre ses vues. Le journaliste cherche la vérité, l’influenceur cherche des likes. Le premier est rappelé à l’ordre par son réd chef, le second par l’algorithme.  

Résultat à l’antenne : une qualité qui s’effrite et des téléspectateurs qui ne savent plus s’ils regardent de l’info ou une vidéo sponsorisée par la boulangerie du coin.  

Les équipes tiennent bon. Elles résistent aux sorts, aux potions. Elles bossent, elles y croient. Mais à quel prix? Leur santé, leur engagement et leur dignité professionnelle sont parfois suspendus à un fil de toile daraignée.