« Notre conversation » : le soap inédit de France Télévisions
C’est peut-être parce que, depuis juillet, tous nos contenus squattent sur Amazon Prime, qu’à France Télévisions, on se prend pour des showrunners, cousins pauvres de Netflix.
À une différence près : on n’a pas de David Chase (les Sopranos, pour ceux qui croyaient que c’était un joueur de foot).
Voyez plutôt. Le nouveau feuilleton de la rentrée, « Notre conversation », bravo le comité des titres mous du genou, lancé par Delphine Ernotte lundi dernier, promet un suspense tout relatif. Trop relatif.

Trois épisodes, un bleu, un noir et un rouge (progression chromatique, attention les yeux), seront diffusés pendant deux mois dans vos boîtes mails, durant lesquels vous serez invités, via « des questions ouvertes », à vous exprimer librement sur « le plan stratégique » de France Télévisions. Traduction : du Google Forms sous stéroïdes.
En novembre, pas un dragon, pas un meurtre, pas un plot twist. Juste un PowerPoint avec des graphiques en camembert. Un cliffhanger digne de notre belle Normandie.
Vous allez sans doute penser que comme d’habitude, nous endossons le rôle, ingrat, d’éternels râleurs. Ross sort de ce corps.
MAIS.
Ce feuilleton a un sacré problème : le timing. Les scénaristes le savent, si tu balances un rebondissement avant même le début de la saison, c’est foutu.
Et consulter les salariés après avoir dégommé l’accord collectif en juillet, ça ressemble plus à un mauvais spin-off de Squid Game qu’à une grande fresque sociale.
Perso, on penche pour la première option. Difficile de parler de «consultation » quand le script est déjà imprimé et relié. Game Over.
« Notre conversation » navigue à cet égard entre Empathie et Walking Dead.
- Empathie car ce genre d’initiative « inédite dans l’histoire du groupe » laisse entendre que vos avis comptent pour « construire une feuille de route qui nous ressemble et nous rassemble. »
- Walking Dead, spoiler alert, car tout est détruit d’avance. Nos métiers, nos organisations de travail, nos temps de travail, notre socle commun. Et le nouvel accord dort sûrement déjà dans un tiroir, en mode Black Mirror.
À La CFDT FTV, on n’oblige personne à boycotter ce grand moment de démocratie participative. Nous vous mettons simplement en garde contre ce procédé captieux, élaboré dans la plus grande opacité, sans aucun moyen de vérification. Et surtout contre la désillusion certaine que cette « conversation collective » pourrait engendrer.
Le dialogue social, le dialogue tout court d’ailleurs, est zombifié depuis des années. Il faudra bien plus qu’une conversation unilatérale et fictive pour le réanimer. Pas la peine de l’habiller en feuilleton : même Télé Vioc n’en voudrait pas.
Nous, simplement, on zappe.