Il est temps de mettre un terme à ces dérives

En cette rentrée, les projets numériques se déploient aux quatre vents dans le réseau régional dans le plus grand mépris des accords d’entreprise.
Après plus de six mois de négociations métiers particulièrement poussives (Chargés d’Edition Numérique), des pseudos séminaires sur l’avenir du métier de journaliste et une Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) pour l’heure inconsistante, il convient de faire le point.
Le numérique doit « monter en puissance ». Certes, ça fait même 15 ans qu’on ne cesse de le dire. Mais certainement pas ainsi.
Pas en expérimentant, dans certaines antennes, des « dispositifs » qui ne sont en réalité que des moyens peu subtils de contourner nos accords et de piétiner nos métiers.
En Lorraine, trois semaines de tests doivent être menées à partir du 15 septembre. Durant cette période, le journaliste pourra « assembler » des modules sur son application de montage Capcut ou Édits tandis que le chargé d’édition numérique pourra le faire également sur Adobe Première.
En Nouvelle Aquitaine, on pousse la logique mortifère jusqu’au bout. Des CDD seront recrutés pour renforcer l’offre numérique de la rédaction. Leur mission ? Réaliser, entre autres, des modules en utilisant des UTS. De A à Z. Seuls. A savoir, tourner seuls à la verticale leurs images puis les “assembler”, seuls, via CapCut, les mixer aussi on s’en doute. Quatre métiers en un et zéro scrupule.
Quel est le cadrage de ces tests ? Où est l’accord d’expérimentation, seul outil qui permet de déroger à nos accords collectifs, par voie d’accord justement ? Nulle part !
Tous sont volontaires nous dit-on, encore que les CDD n’aient pas vraiment le choix, aucun n’ayant une compétence complémentaire. Et alors ?
Des représentants de proximité auraient validé la démarche ? Et alors ? Depuis quand les instances de proximité sont-elles dotées de prérogatives consultatives et décisionnaires pour déroger aux accords collectifs ? Le dialogue social n’est pas au bon vouloir des directions régionales, il répond à des règles précises que la direction ne cesse d’ailleurs de rappeler aux élus. Seulement quand ça l’arrange visiblement…
Pas sans respecter l’accord UTS. Il n’est à ce jour, toujours pas dénoncé. Il s’applique. Il est très clair. Sur le numérique ou sur le linéaire, pour l’actu ou la com, seuls les JRI, OPV ou rédacteurs à compétence complémentaires peuvent l’utiliser. Il y a plusieurs mois, nous avons proposé à la direction d’ouvrir la pratique à d’autres métiers pour les programmes, la communication et le marketing. Un projet d’avenant a été élaboré et puis… La direction a préféré dénoncer l’accord collectif. Ce qui empêche, selon la Direction du Dialogue Social, de poursuivre les discussions sur l’accord UTS en raison de ces références à l’accord collectif dénoncé. A qui la faute ?
Pas sans tracer de ligne claire entre ce qui relève du journalisme ou non. Notre site web, nos réseaux sociaux, ne sont qu’un déversoir de contenus sans aucune indentification de ce qui relève de l’information.
Et avec comme objectif obsessionnel de faire du clic, des vues et des likes afin d’être référencé, connu des Gafam, peu soucieux de la qualité et de la morale.
Pas en gelant partout des postes de JRI ou de rédacteur pour les transformer en postes numériques. Car telle serait dorénavant la consigne dans le réseau pour chaque poste vacant : recruter des couteaux suisses, en dehors de tout cadre conventionnel et capables de tourner, monter, commenter et accessoirement d’écrire pour le web. Peu importe notre nomenclature des métiers puisque certainement, « ces jeunes en ont envie ».
Pas sans accord pour cadrer l’IA. Une enquête publiée très récemment révèle que les chatbots d’IA générative (ChatGPT, Perplexity, Meta…) produisent de plus en plus d’erreurs factuelles : 4 réponses sur 10 de ChatGPT contiennent aujourd’hui des fausses informations. Qu’avons-nous à FTV pour nous en préserver ? Rien. Les élus, malgré la loi, ne sont même pas consultés sur les outils IA introduits dans nos process de fabrication et il a fallu saisir le juge pour que l’employeur soit contraint de consulter les instances pour introduction de Nouvelle Technologie.
Non, ce n’est pas ainsi que se construit l’avenir. Sur des bases branlantes et malhonnêtes.
Nous serons là pour défendre, devant le juge s’il le faut, nos métiers, nos accords, le sens de notre travail. La direction ne comprend visiblement que cela.
Le numérique mérite bien mieux. Nos collègues aussi.
Les salariés doivent comprendre dans quelle spirale infernale nous sommes entraînés.
La direction a dénoncé l’accord collectif et nous ne lui ferons aucun cadeau qui lui permettrait d’engager des évolutions sans respecter le droit social.