Quoi de plus noble que quelqu’un qui sait prendre des risques, changer de métier, s’engager pour faire vivre ses idées ?
En mai 2019, à quelques semaines des élections européennes, le directeur de l’Information du pôle Outre-mer avait annoncé, à la surprise générale, qu’il figurait en bonne place sur la liste macroniste aux élections européennes. Prévenue à l’ultime minute de la dernière heure, la direction de France Télévisions ne pouvait que s’incliner, et accepter de suspendre le contrat du néo-candidat, finalement élu député européen en juin 2019.
Cinq ans plus tard, en 2024, nouvelle surprise : le député sortant est l’un des rares à ne pas être reconduit sur la liste du parti présidentiel. La politique est un monde cruel, dans lequel il faut réseauter, intriguer, travailler ses dossiers. Et voici l’ancien directeur de l’Information d’Outre-mer sur le carreau. Mais peu importe supputaient les naïfs, il allait forcément rebondir dans cette nouvelle vie faite de tant de soubresauts, entre législatives anticipées, gouvernements renversés et postes prestigieux dans les ministères, les préfectures, les ambassades ou les secrétariats généraux…
Finalement voici qu’un an plus tard, il revient. « Directeur de la stratégie internationale et de la coopération » au sein du secrétariat général de France Télévisions. De fréquents déplacements et de bons déjeuners défrayés en perspective, diront les plus cruels des observateurs.
Certes, c’est légal : le contrat était suspendu, il peut donc retrouver un poste. C’est légal, mais est-ce moral (en ces temps de bac de philo, vous avez 4 heures pour répondre) ?
Est-ce bien sain qu’un homme politique engagé qui a certainement toujours ses entrées dans les arcanes du pouvoir ait ainsi la charge de la stratégie internationale d’un groupe audiovisuel dont les journalistes sont supposés être indépendants ?
N’y a-t-il pas là un mélange des genres particulièrement malsain, potentiellement conflictuel ?
Qui parlera lors des comités de direction ? Le représentant du parti présidentiel ou le salarié de France télé ?
Comment ensuite expliquer au grand public qu’il n’y a aucune connivence entre les politiques et les journalistes ?
À l’heure du grand tour de vis budgétaire, imposé par le gouvernement et la majorité présidentielle, est-ce bien raisonnable de se livrer à de telles pratiques ?
La CFDT s’interroge et se demande si à force de passer d’un côté à l’autre du miroir, on parvient encore à se regarder dedans ?