Big Bang Théorie
La fusion est, en physique, le passage d’un corps de l’état solide à l’état liquide. Chez nous, elle s’annonce aussi psychique car ce projet, qui n’en sera bientôt plus un, a de quoi vous liquéfier.
Souvenez-vous, c’était il y a quelques mois à peine, dans cette même instance. À force de moulinettes de bras et de sourires paternalistes, la direction nous rassurait, à défaut de nous convaincre, sur l’avenir de notre chaine : « Grand Dieu, une fusion, mais où allez-vous chercher une idée pareille ! Il ne s’agit que de favoriser plus de rapprochements quand c’est possible … »
Les voies du Seigneur, comme celles de notre présidente, sont impénétrables. Ces rapprochements sont rapidement devenus marque commune puis holding et désormais fusion.
Et voilà l’accélération de particules de matière grise qui dans une soupe obscure nous conduit au big-bang.
Le scénario retenu par notre ministre de tutelle prévoit ainsi une holding au 1er janvier 2025, suivie d’une fusion dès le 1er janvier 2026. Entrainant fatalement la négociation au pas de charge d’un nouvel accord d’entreprise en trois ans, le déploiement de la marque ICI en septembre et le lancement du site internet commun.
A la vitesse de la lumière. Pour le reste, la matière, le concret, nous sommes dans le noir. Dans le réseau, à 4 mois de l’échéance, rien ne semble avoir été tranché ni même anticipé. L’URL « ici.fr », par exemple, appartiendrait toujours à un … concessionnaire automobile lillois. Tout roule donc ?
Quid de l’avenir des éditions Ici en septembre ? Ou des rédactions web communes ?
Sur la forme, l’impréparation. Sur le fond, l’ingérence.
Ce qui se passe actuellement à France Inter : la suppression de chroniques ou d’émissions cataloguées trop « gauchistes », trop « insolentes », trop « éco-anxieuses », trop « trop », ou encore la suspension de Guillaume Meurice, nous font craindre le pire.
Une mise au pas de l’audiovisuel public. Et quand ce dernier sera fusionné, la bride n’en sera que plus courte, plus efficace. Son mode de financement, toujours incertain à longs termes, va aussi dans le sens d’une extinction. De notre indépendance.
Déjà, bafouée sur nos antennes. Comme à Nice, lorsqu’une conseillère du maire se fait passer pour une auditrice énamourée et passe-plat lors de nos matinales filmées, la direction ne bronche pas. Avant cela, a-t-on besoin de rappeler que les sujets réformes des retraites, violences policières lors des manifestations, ont été plus que timides.
Comment, dans ces conditions, ne pas voir dans le Big Bang annoncé un trou noir ? Une tombe ? Pour nos métiers, nos savoir-faire, notre déontologie, nos libertés.
Pas question pour la CFDT d’accepter l’auto-censure ou l’immobilisme. Notre indépendance éditoriale est en jeu. Nous entendons la défendre.
Et avec le rassemblement national qui se fait chaque jour plus hardi, (mal) ficeler l’audiovisuel public pour mieux le museler, c’est mettre en péril la démocratie.