Comment faire d’un être pensant au travail, un décérébré sur canapé

Surtout ne publiez-pas ce que vous pensez !

La Direction nous avait fait part en mai dernier de sa volonté de dépoussiérer un vieux guide datant de 2011 et fixant les bonnes pratiques sur les réseaux sociaux. Pourquoi pas ? Les réseaux sociaux sont une jungle. Parfois un ramassis de tribunes bêtes, racistes, de publicités féroces ou de fake news sauvages. Que FTV montre l’exemple, évidemment nous ne pouvons que suivre.

Mais pas ce guide, là non.

Déjà en mai, lors de sa présentation, nous avions émis de sérieux doutes sur la notion de « notoriété » des salariés de FTV, assez floue pour concerner tout collaborateur de l’entreprise, et sur celle, plus fondamentale, de la liberté d’expression et d’opinion.

Lire notre tract :  guide pratique pour bien penser.

Si la direction a revu sa copie sur cette notoriété qui recouvre donc désormais, par une opération algébrique du St-Esprit, les comptes personnels dépassant les 1500 followers (et à 1499 ?) pour la liberté d’expression, le compte n’y est pas justement.

Le guide préconise (et pourrait sanctionner « au cas par cas ») sur vos comptes personnels.

  • De ne pas exprimer d’opinion politique, partisane en particulier pendant les périodes de campagne électorale, au nom de l’impartialité du service public.

« En particulier », autrement dit, jamais. Une photo de vous en manif contre la réforme des retraites sur votre compte X perso ? C’est politique ? Partisan ? C’est fort déconseillé en tous cas. Si vous êtes journaliste, d’après la direction, vous pourriez même être interdit par votre n+1 de traiter les sujets sur la réforme des retraites, « question de crédibilité »

Pensées émues pour tous les journalistes syndiqués qui ne pourraient logiquement plus faire d’actus sociales …  

Comme si exprimer nos sentiments, nos opinions, sur des comptes privés, nous empêchait de traiter un sujet de façon professionnelle, circonstanciée et neutre, publiquement. Le sujet factuel, l’itw argumentée, l’analyse objective, n’est-ce pas là, et seulement là que s’incarne notre mission de service public ? Enfin qui devrait ?

Lire notre tract : le journalisme politique à France Télévisions.

Certains journalistes de FTV émettent pourtant sur nos plateaux, publiquement et sous les spotlights, en prime time, leurs opinions, plus que partisanes, sans être pour autant recadrés. Ils sont « éditorialistes », ils ont tous les droits. Que vous soyez cousins par alliance ou plébéien …  

  • Prudence dans l’usage des retweets sans commentaire, des partages, des reposts, des likes qui peuvent être perçus comme une adhésion au contenu.

Vous aimez la presse engagée ? Les articles d’opinion ? C’est bien mais ne le faites pas savoir. Ne retweetez pas d’articles, même s’ils vous semblent pertinents pour éclairer l’actualité comme par exemple un remaniement ministériel.

Vous êtes salariés de FTV, vous n’êtes pas censés apprécier publiquement l’insolence, la critique, l’enquête. Vous êtes neutres comme un ectoplasme.

  • Sur les faits d’actualité, ne dites pas sur les réseaux sociaux ce que vous ne diriez pas à l’antenne ou sur l’une des plateformes de France Télévisions.

Ne dites rien, ça vaut mieux. Sauf allez sur vos « passions culinaires » (en sous-titrant « mangez 5 fruits et légumes par jour ») ou philatélistes (sans tirer la langue même pour coller le timbre).

  • Ne pas divulguer d’informations confidentielles ou sensibles liées à France Télévisions et ne pas porter atteinte à l’image du groupe.

Alors là ça se complique encore davantage. Qu’est-ce que porter atteinte à l’image ? Critiquer des décisions d’entreprise, les réductions budgétaires, la mise en place d’Ici sont-elles des atteintes à l’image du groupe ? Certainement oui, elles l’écornent en tous cas pas mal.

Retweeter un tract syndical critiquant ces décisions est-ce donc porter atteinte à l’image de FTV ? « Si vous êtes élus, mandataires vous bénéficiez de la liberté d’expression syndicale » oui et pour les autres ? « Le code du travail stipule que toute expression des critiques doit être faite auprès de ses supérieurs, en interne mais là oui bon, dans ce cas-là, ça devrait être bon » nous rétorque la direction qui n’est quand même pas certaine, qui va se renseigner du coup.

On s’arrête là ? Vous voyez le topo sur ce guide ? La CFDT, puisqu’elle a encore le droit de s’exprimer, librement, s’oppose à ce guide des bonnes pratiques dans sa formulation actuelle.

Nous posterons évidemment ce tract sur les réseaux sociaux. A vous de voir si vous le partagerez sur vos comptes persos.


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