Redevance télé : un enterrement pas très cathodique…

Elle est morte à 90 ans en catimini un samedi, par une chaleur étouffant toutes velléités, dans un hémicycle à moitié vide. 

Triste fin. 

Ce 23 juillet 2022, dans une indifférence programmée et quasi générale, l’Assemblée nationale a approuvé la suppression de la redevance télé en première lecture. 

Le vote a été sans bavure. 170 voix contre 57. Comme si la majorité de nos chers députés, dans un élan altruiste pour ne pas dire populiste, considéraient que oui 38 centimes par jour pour un service public audiovisuel de qualité, indépendant, c’était décidément trop cher payé. 

Chers collègues, votre travail quotidien, rendu de plus en plus difficile par les plans de départs à répétition, les coupes budgétaires, le non remplacement des salariés, les injonctions contradictoires, ne vaut même plus une demie-baguette.  

Alors oui, disons-le, ce vote parachève le travail minutieux et implacable de démantèlement de l’audiovisuel public déjà largement fragilisé par Nicolas Sarkozy en 2008 avec la suppression partielle de la publicité et jamais réellement compensée malgré les promesses. 

Ce vote concrétise aussi la mise à la botte présidentielle d’un service public dont les enquêtes ont dérangé plusieurs fois le pouvoir en place et ce malgré les pressions et les dénigrements. “La honte de la République” a désormais ce qu’elle mérite.  Plus rien, plus rien de certain.  

Car cette contribution à l’audiovisuel public permettait de financer France Télévisions, Radio France, TV5 Monde, l’INA et Arte en apportant chaque année 3,7 milliards d’euros à l’Etat.  Une perte qui “doit” être compensée par une “fraction “ de la TVA. Ce qui ne garantit nullement la pérennité financière de l’audiovisuel public et encore moins son indépendance. 

D’autant qu’en 2025, ce dispositif sera caduc. Il sera interdit d’allouer les produits d’une taxe à des secteurs qui n’ont aucun lien avec cette dernière. Qu’adviendra-t-il alors ? 

On nous dit que 80% des Français ont plébiscité cette suppression. Un argument commode. Le résultat surtout, d’une dépréciation murie, assumée, et publique de tout un groupe ces dernières années. Pourtant, aujourd’hui, France Inter bat des records d’audiences et France Télévisions n’a pas non plus à rougir des siennes. Il faut savoir ce que l’on veut. 

A l’heure où neuf milliardaires possèdent 90% des médias, le service public reste garant d’une information de qualité, transparente et honnête. Elle offre à ses téléspectateurs de la culture et  du sport gratuitement. Informer, cultiver, distraire est sa raison d’être. Pour combien de temps encore ? L’ultra-libéralisme n’aime pas les esprits libres justement, ni la critique : il aime le profit. 

Demain, avec Tempo, nos éditions seront mutualisées ou tout simplement supprimées.

Après demain, avec les économies que nous ne manquerons pas de devoir faire, faute de ressources pérennes, nos chaines seront peut-être démantelées. Puis vendues.  Au plus offrants. Aux groupes privés. 

C’est ce qui se profile avec ce vote. 

Un samedi en plein mois de juillet. 


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