COUP DE GUEULE : « Cela n’a d’importance que pour les journalistes ». Vraiment ?

Il est journaliste. Il a fait six ans d’études pour y parvenir, passé un concours sélectif qui lui a donné des sueurs froides et des nuits blanches. Elle aussi a suivi cette voie, et elle y est parvenue. Elle est diplômée d’une école qui lui a appris les fondements du métier : rigueur, vérification, déontologie. Comme elle, il s’inscrit dans une histoire, dans une tradition française, oui ! Où ils ont leurs maîtres et leurs plumes. 

D’autres se sont reconvertis. Se sont formés dans des cursus sérieux et reconnus, à un nouveau métier ; de monteur, documentaliste, vidéo, ils sont devenus journalistes. Pour certains, un parcours du combattant. Partir en formation loin de chez soi alors qu’on a une famille, des enfants. Convaincre que l’on est fait pour cela. Devenir journaliste.

Parce que l’on ne naît pas journaliste. On le devient. En travaillant dur. En s’appropriant une culture, des connaissances et des savoir-faire. Un esprit synthétique. Une plume.

Ils ne sont pas particulièrement fiers de leur cursus. Ils le sont en revanche d’être parvenus à exercer ce métier qu’ils ont choisi. Qu’ils chérissent. Malgré tout. 

Car ce métier est attaqué aujourd’hui de toutes parts. Qui ne le voit pas ? Dans le monde. Dans les cortèges de manifs. Dans l’hémicycle (le feu article 24 projet de loi sécurité globale). Derrière nos bureaux. Et chez eux, à France Télévisions, aussi. Attaqué par la Direction qui les pousse à faire du clic au détriment du fond. Qui leur donne de moins en moins le temps de réfléchir. Qui leur fait faire des micros-trottoirs, du fact-checking et son lot de psittacismes vains et prétentieux, des plateaux creux, des rubriques jardinage, des oursons, des chatons … Qui laisse planer le doute et permet au flou de s’installer.

Attaqué aussi, et c’est bien pire, par certains de leurs collègues, par certains représentants syndicaux. Des collègues qui pensent et qui assènent en pleine réunion de représentants du personnel que “n’importe qui, PTA, journaliste, peut écrire sur le web et peut écrire tout court”. Que “tout le monde en est capable”.  Que non ce n’est pas grave si le service communication rédige, dans le cadre d’un partenariat qui ne dit pas son nom, un article sur notre site sans le distinguer d’un article de fond.   

Compte rendu FO mars 2021 / RP d’une antenne du réseau F3 : “Un syndicat s’est ému du mélange de « genre » des articles faits par les journalistes et « les autres ». La distinction des auteurs des articles ne serait pas assez flagrante. Pas sûr que nos lecteurs aient besoin de savoir si c’est un journaliste ou non. Cette distinction n’a d’importance qu’aux yeux des journalistes. » 

Qui parle ? D’où nous parle-t-on ?

Ce sont-là pourtant des questions fondamentales. Ethiques. 

Alors oui la CFDT et ses journalistes sont “émus”, mieux : en colère.  Non pas que nous défendions une chapelle ou même que nous partions en croisade. Nous défendons juste la valeur, les valeurs des journalistes et celles de leur profession. Comme nous défendrons toujours celles de chaque métier. C’est bien pour cela aussi que nous nous sommes engagés dans le syndicalisme. 

Nous sommes en colère parce qu’à grands coups d’UCC, d’espace métier, de carottes bien lustrées, de contenus en vrac, la Direction va tuer leur, votre, notre métier. Va tuer tous les métiers. Et que certains syndicats le cautionnent sans rougir. 

Nous sommes en colère, oui ! Parce que certains pensent que les primes régleront d’un trait comptable cette perte inestimable. Celle de nos savoir-faire. Et de toutes les vocations.  

Paris, le 21 avril 2021

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