Liminaire CSE Siège : externaliser nos émissions, un contresens dangereux !

C’est avec beaucoup d’inquiétude que nous avons appris fin mars la volonté de la direction de transférer 6 de nos émissions les plus emblématiques, et avec elles de 86 de nos collègues, vers sa filiale FTV Studio. Un transfert auquel nous sommes résolument opposés.

Inquiétude, d’abord, pour chacun de ces collègues qui ont fait toute leur carrière à France 2 ou à France 3, et qui ont su y inventer puis y réinventer, saison après saison, Thalassa, Faut pas rêver, Passage des Arts, des Chiffres et des Lettres, des Racines et des Ailes, ou encore Télématin. Par l’emboîtement de leurs talents multiples, tous ont contribué à faire de ces 6 émissions des repères incontournables de notre audiovisuel public. Nous leur devons énormément et voulons leur témoigner ici toute notre gratitude et toute notre solidarité.

Car à ces collègues, aujourd’hui, la direction propose un tout autre programme, un « Rendez-vous en terre inconnue » en forme d’aller-simple… Pour tous, direction une région lointaine et à bien des égards hostile baptisée FTV Studio… Comment évolueront dans cette nouvelle contrée les conditions de travail, les acquis de ces réalisateurs, chroniqueurs, assistants ou directeurs de production ? Et si, passé le délai de trois ans durant lesquels la maison mère garanti à ses futurs anciens salariés la poursuite de leurs émissions, la direction devait juger trop coûteux de passer par sa filiale pour continuer de les produire, qu’adviendrait-il alors de cette société dont France Télévisions assure aujourd’hui à elle-seule, selon ses propres aveux, 96% du chiffre d’affaires ? Faillite, revente au plus offrant ?

A ces craintes pour nos collègues s’en ajoute une autre, pour l’avenir même de notre entreprise, face à ce choix que nous considérons comme un contresens historique. Car à quoi d’autre reconnaît-on aujourd’hui une émission de service public, si ce n’est au fait qu’elle ait été conçue, puis produite, en interne ? Renoncer à la gestion directe de nos émissions, fût-ce pour les externaliser dans une filiale dont nous serions le seul actionnaire, revient à tourner le dos aux plus précieuses de nos compétences, celles qui irriguent toutes nos antennes et sont au cœur de notre identité.

A notre direction, qui semble une nouvelle fois, contre toute évidence, vouloir privilégier les achats extérieurs plutôt que le développement interne de son cœur de métier, nous disons que vouloir transformer France Télévisions en entreprise « sans usine », fabless, est à la fois contraire à son ADN, à ses valeurs, et mortifère sur le long terme, car nous courrons alors le risque de perdre irrémédiablement ces savoir-faire.

Notre conviction est que nous ne trouverons pas les contenus que nos téléspectateurs appellent de leurs vœux si nous perdons notre capacité à les produire nous-mêmes, si nous raisonnons comme de simples acheteurs plutôt que comme des capitaines d’industrie.

Plutôt que de vouloir acheter ou déléguer notre différence, ayons plus que jamais à cœur de préserver en les maintenant parmi nous tous ceux qui ont su l’inventer et qui ont l’ambition de la faire exister chaque jour sur nos antennes.


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