Alors que BFM se lance dans de l’information en continu dans les régions, nous, à France 3 Côte d’Azur faisons disparaître l’actualité de nos JT.
Depuis le 2 septembre, nous diffusons 14 minutes supplémentaires par jour. Avec des moyens déjà diminués, nous devons donc fabriquer des modules en un temps record.
Ainsi, « Place publique » permet de découvrir un lieu, une institution en cinq épisodes de cinq minutes, soit 25 minutes produits en trois jours. Le module « J’ai pas bien compris » permet d’écouter les réflexions de collégiens sur des thèmes de société. Les cinq épisodes de 3’30 sont réalisés en trois jours.
Il existait déjà des séries de quatre épisodes, qui sont toujours produites, et ont la même vocation que « Place publique » : immersion et découverte des territoires, mais cette fois sous forme de reportage plus classique. Le module « Place publique », lui, met en scène le journaliste, dans un lieu avec des invités.
Le résultat à l’antenne est une masse de propos, de belles images, de patrimoine et d’enfants, hors charte JT. Mais pas d’information sur ce qui se passe dans notre région.
Le 12/13 est déstructuré. Ouverture de la tranche à 11h53 avec un féminicide, suivi de « Place publique » à la découverte d’un village, puis des titres de l’actualité, pour revenir au féminicide. À 11h53, des directs de comblement sont régulièrement demandés aux équipes des quatre bureaux de notre région (Draguignan, Menton, Nice, Antibes).
Le 19/20 est quant à lui déséquilibré. Le journal voit s’empiler la rediffusion de « Place publique » qui dure 5’30, « J’ai pas bien compris » qui dure 3’30 et la série de 3’30.
Cela fait plus de 13 minutes de jt qui ne développent pas l’actualité du jour.
Enfin, la locale de Nice a disparu aux yeux des téléspectateurs, avancée à 18h53 sans que cela soit suffisamment annoncé. Les personnels, de cette locale qui a 18 ans et qui est un vrai repère à Nice, sont en instabilité d’effectif permanent et font beaucoup d’efforts, pour se voir « déplacés » dans la grille sans ménagement.
L’autre résultat est l’épuisement des équipes.
Ce rythme de tournage a mis les personnels techniques et journalistes dans une machine à laver de production. Les rédacteurs écrivent et parlent et montent en même temps, sur le terrain leur « Place publique ».
Les ops mixent au milieu de l’actualité des dizaines d’éléments (sujet, off, « Place publique », épisodes de séries, « Dimanche en politique », « Enquête de régions »…), tout cela en l’absence du rédacteur et du monteur.
Pour les documentalistes et les scriptes, qui étaient déjà très sollicités, ces 14 minutes sont une surcharge de travail quotidienne. Quant au personnel administratif, il est déjà épuisé, un mois après la mise en place de cette nouvelle grille. La planification qui en découle est un véritable casse-tête chinois.
L’ « industrialisation » de l’information voulue par la rédaction en chef et la direction a mis les salariés, dont la tâche est intellectuelle, dans une situation de fabrication à la chaîne. Ils sont en incapacité de faire leur travail avec un minimum de qualité. Ils sont « empêchés ». C’est le « quick and dirty » (vite fait, mal fait) qui fait école à France 3 Côte d’Azur.
Tout cela s’est appliqué sur des personnels déjà fragilisés. Une procédure risques psycho-sociaux est en cours à France 3 Côte d’Azur et depuis un mois, un cabinet extérieur est à l’écoute des salariés. Ce cabinet a dû augmenter le nombre de ses permanences : 49 salariés ont pris rendez-vous avec les psychologues de ces cabinets. Sur un bureau de 94 personnes (cadres compris), plus de la moitié ont souhaité s’exprimer. Sachant que certains n’ont pas pu être entendus.
France 3 Côte d’Azur broie ses salariés et méprise ses téléspectateurs. Sous prétexte que le site internet fait part de l’actualité de notre région, nous ne la traitons plus sur l’antenne.
Pour gagner du temps, nous avons négligé notre mission de service public.
A l’approche d’une des missions les plus importantes et délicates pour notre
télévision régionale : la couverture de la campagne des élections municipales.
Le « quick and dirty » s’applique mal à l’information, mais que dire de l’information politique ? C’est le domaine où nous devons inclure un minimum de temps de réflexion et de veille : être en état de production permanente nous expose à de graves erreurs journalistiques, portées par des journalistes dans l’incapacité de vérifier et préparer ce qu’ils disent. Ou provoqués par des incidents techniques coupant l’expression d’un candidat par rapport à un autre.
Le départ de la campagne active pour les élections municipales va coïncider avec d’autres départs : avec la GPEC de progrès (ex RCC), 14 collaborateurs
expérimentés vont nous quitter. Nous sommes une des régions les plus concernées du réseau France 3. Plusieurs départs auparavant n’ont déjà pas été remplacés et ceux-là ne le seront pas à court terme, ce qui implique par ailleurs une grande anxiété pour nos collaborateurs CDD journalistes et PTA réguliers.
Les salariés et les représentants syndicaux ont alerté à plusieurs reprises la rédaction en chef et la direction sur ces problèmes graves qui impactent le bureau et nos téléspectateurs. En vain.
Dans ces conditions, les RP et les DS (SUD, CFDT et CGT) tirent la sonnette d’alarme. Ils demandent l’arrêt pur et simple du système mis en place et plus de moyens pour assurer ces 14 minutes supplémentaires.
Nous devons avoir les effectifs nous permettant de remplir notre mission
d’information du public. Nos journaux télévisés sont regardés par des dizaines de milliers de téléspectateurs et sont une référence dans la vie de notre région.
Ce travail pour l’antenne est une condition sine qua non au bon fonctionnement de l’information sur le Web, qui puise ses images, ses interviews dans les rushes des tournages des équipes. Eux aussi méritent de poursuivre leur mission.
Il en va du respect de nos Internautes et nos téléspectateurs.
Antibes, le 9 octobre 2019
*Quick and dirty (Vite fait, mal fait) : Cette expression vient de l’informatique où parfois des solutions approximatives sont utilisées pour que les logiciels sortent plus vite, même avec des défauts. Ce principe est désormais à la mode dans de nombreux secteurs : il faut aller vite et renoncer à la qualité pour que la production se fasse dans un délai restreint.
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