N°23 - Février 2024
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CSE Réseau extraordinaire :

Pisser dans un violon

Requiem pour le dialogue social

Une métaphore musicale mais peu poétique : parfois, gens de télévision, vous le savez, les images parlent d’elles-mêmes. Surtout quand la Direction du réseau, elle, ne dit rien.

Pisser dans un violon comporte quelques désagréments. Un son dissonant, l’altération d’un bel instrument et le risque qu’à force de constance, ça déborde. Et oui, voilà où nous en sommes aujourd’hui : un dialogue social, cacophonique ; l’instrument, le CSE, ruiné. Et les élus, vidés.

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Nao : le B.A ba

C’est un rendez-vous primordial mais la Nao, Késako ?

Instaurée en 1982, la négociation annuelle obligatoire (NAO) est l'occasion pour les organisations syndicales représentatives de faire un point avec l’employeur sur différents thèmes : rémunération, emploi des salariés, égalité hommes/femmes, conditions de travail.

En place dans toutes les entreprises de plus de 11 salariés où existe un délégué syndical, les NAO doivent être à l'initiative de l'employeur et se dérouler (au moins une fois par an.)

Que négocie-t-on ?
  • Les salaires, la durée du travail, le partage de la valeur.
  • L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, la lutte contre le sexisme au travail.
  • La préservation de la vie personnelle des salariés, l'expression des, le droit à la déconnexion.
Sur tous les sujets de la vie d'entreprise qui pourraient, en l'absence de discussions, aboutir à des conflits, à des tensions. Et cela, même si des accords d’entreprise sur ces sujets ont été signés : rien n’empêche de les faire évoluer par avenant à la suite de discussions en NAO !

Cette année, la CFDT FTV a donc défendu de nombreuses propositions lors de la première réunion NAO en 2024.

Même si la Direction n’a pas semblé très sensible à ces pistes de travail qui nous semblent pourtant importantes, celles-ci resteront le socle de nos revendications.

Proposition n°1 : Rémunérations

  • Mesure d’augmentation générale en compensation de l’inflation (5.8% en moyenne en 2023) : 4% en tout, 2% en juillet puis 2% en décembre, avec un plancher pour les salaires les plus bas.
Nous incluons dans cette demande les barèmes appliqués aux salariés non permanents. Cette mesure générale doit être indépendante de conditions d’ancienneté, pour les CDI comme pour le NP. Nous demandons l’inscription d’une clause de revoyure qui déclenche automatiquement une augmentation dès que l’inflation atteint un niveau à définir par la négociation au préalable.

  • Analyse de la situation salariale des personnels administratifs, comparée à celle des techniciens*, engagement à mener une politique visant à réduire les écarts de salaires et à valoriser ces emplois, et examen des situations de disparité (accords égalité professionnelle, handicap). Analyse et reconnaissance de la spécificité de certains postes et rémunération en conséquence.
  • Ajout de paliers d’ancienneté pour les salariés, PTA comme journalistes, en fin de carrière :
    1/ Pour les journalistes: 30% du salaire minimal garanti pour 35 années d’ancienneté et 35% du salaire minimal garanti pour 40 années et plus d’ancienneté
    2/ Pour les PTA et professions artistiques : 0,8% par année à partir de 21 années d’ancienneté (plus de limite à 40 ans, pour compenser l’allongement des carrières).
  • Traitement des situations des journalistes qui ne seraient pas JS après 12 ans d’ancienneté dans la fonction, ou GR après 20 ans d’ancienneté dans la fonction.

Proposition n°2 : Primes et indemnités

  • Revalorisation des indemnités kilométriques, des frais de repas, ainsi que des frais de mission (revalorisation des plafonds de dépenses remboursées) pour les salariés en CDI et pour les non permanents.
  • Revalorisation des primes de week-end pour les journalistes, des primes d’intérim et d’astreinte, et un alignement de ces primes entre journalistes et PTA qui assurent des missions de remplacement dans l’encadrement.
  • Revalorisation des indemnités conventionnelles (garde d’enfant) et leur extension pour le bénéfice de tous les salariés.
  • Réévaluation des enveloppes « part variable » et « primes », de façon à dégager des moyens pour financer une mesure générale à la hauteur des attentes des salariés.
Transparence sur les primes, parts variables, etc… : critères, fréquence d’attribution, nombre / fonction / localisation /objectifs des salariés qui en bénéficient.

  • Attribution de Tickets restaurant pour les salariés de tous les sites de FTV ne disposant pas de lieu de restauration collective, notamment en Outre-Mer.
  • Remboursement de frais d’équipement et d’énergie des télétravailleurs (Remboursement cumulable avec l’indemnité journalière de TT) à hauteur de 150 € par an. Réévaluation de l’indemnité Télétravail*, portée à :
> 3,25 € par jour de TT dans la limite de 71,50 € par mois
> 13 € par mois pour un jour de TT par semaine
> 26 € par mois pour deux jours de TT par semaine
** Sachant que : les salarié(e)s peuvent déduire un montant forfaitaire maximum de 580 € par an. Si l’indemnité de télétravail dépasse le montant de la déduction forfaitaire, la différence sera soumise à impôt sauf si le (a) salarié(e) est capable de justifier ces dépenses


  • Monétisation des RTT dans la limite de 7500 € (plafond pour bénéficier de l’exonération de cotisations sociales).
  • Maintien de l’assiette des cotisations des salariés à temps partiel au niveau de celles des salariés à temps plein pour l’assurance vieillesse.

Proposition n°3 : Organisation du travail, QVT et RSE

  • Augmentation du montant de la prime « vélo » à hauteur du plafond légal, (700 €). Mettre en place une « prime transport » pour les salariés obligés de prendre leur véhicule (700 € pour les véhicules rechargeables ; à hauteur du « chèque carburant » gouvernemental soit 400 €), proposition de formations à l’éco conduite sur le temps de travail.
  • Prise en charge à hauteur de 75% des frais d’abonnement transports en commun, et cumul avec le forfait mobilité (cf. URSSAF 2024 = jusqu’à 800 € en cumulé).
  • Mise en place de l’astreinte en région (cf.- accord collectif), afin de rémunérer la disponibilité des personnels en dehors des heures de travail.
  • Mise en place d’une indemnité CESU préfinancé (chèque emploi service : financement par l’employeur à hauteur de max. 2265 € par an ; l’entreprise peut déduire ces montants et bénéficie d’un crédit d’impôt de 25% sur le montant versé au salarié).
  • Élargissement des bourses aux alternants pour permettre de couvrir les frais de double résidence, sur des critères fiscaux*.
  • Clarification des règles d’évolution de carrières et de calcul de l’ancienneté notamment par suite d’intégration d’un NP.
  • Stabilisation des horaires collectifs, afin de permettre une meilleure conciliation vie personnelle / vie professionnelle au moins à court terme : cesser les réorganisations non discutées des horaires de travail, les journées à rallonge pour les salariés au FJ, introduire la semaine de 4 jours dans tous les sites et tous les services où cette organisation du travail est possible après évaluation et analyse ; aménager le temps de travail et la charge de travail des salariés seniors** ; mieux intégrer les temps de déplacement des élus et mandatés dans l’organisation des réunions ou dans les remboursements des frais de déplacement.
    ** La Cfdt demande l’ouverture de la négociation d’un nouveau "contrat de génération" à FTV.
  • Valorisation de l’engagement sociétal des salariés par l’attribution de jours "engagement" ** (6 jours de congés / an avec le maintien de la rémunération)
** La Cfdt demande l’ouverture d’une négociation pour fixer des règles conventionnelles régissant le congé « engagement », le congé « de solidarité », le « mécénat de compétence» (cf. dispositif du contrat de génération 2027-2020), avec maintien de la rémunération.
  • Remise à plat du « schéma directeur immobilier » et ouvrir un vrai débat et une remise en cause du Flex office, bureau partagé, bureau nomade, notamment en cas de projet immobilier.
  • Amélioration de l’offre de logement et de prêts travaux pour les salariés de FTV par une négociation avec Action Logement, et une meilleure communication directe par les RH aux personnels identifiés comme étant « cibles prioritaires » (alternants, jeunes salariés, salariés seniors, parent isolé…).
  • Généralisation de la gestion des projets par la concertation avec les salariés.
  • Révision des process Concur gros consommateurs de temps pour tous (utilisateurs comme validateurs) et rétablir la confiance a priori.
  • Garantie d’un traitement plus rapide et plus efficace des dossiers handicap ou santé.

Proposition n°2 : Dialogue social

  • Augmentation du budget ASC pour tous les CSE, CE et CCEOS.
  • Ouvrir les négociations sur : Les fins de carrière et emploi des seniors, les évolutions des métiers, les rémunérations et évolutions de carrière; les dispositifs de primes et indemnités, les congés « engagement », « de solidarité », le « mécénat de compétences ».
Prochaine réunion NAO le 29 février 2024

La CFDT France Télévisions, c’est lui, c’est elle

Bruno Espalieu a souvent le sourire. Pas carnassier, pas le genre, mais plutôt béat. Pas dans le sens idiot du village, pas du tout, mais juste content, cool le mec quoi.

Tous ceux qui le connaissent feront le même constat. C’est même parfois râlant, quand on a soi-même envie de gueuler en négos, ce côte moine zen. Mais comment il fait merde ?

De sa voix de fumeur de roulées, il explique pourtant être perturbé. « 59 ans, bientôt 60 là ouais, bon après c’est la vie hein ? » Le naturel revient vite. Philosophe.

Grandes tablées

Bruno a pourtant pas mal à porter sur ses épaules. Pas seulement une caméra. Jri à Lille, délégué syndical central, membre de la CSSCT du réseau F3, RP suppléant à Lille.
C’est du lourd. « Pas du tout, la situation s’est tellement dégradée dans le métier que je m’épanouis davantage dans mes mandats. Ce qui est intéressant à la CFDT, c’est le collectif, ce ne sont pas juste des titres ou des dossiers sur lesquels nous sommes plus ou moins mobilisés, mais un vrai partage. »

Ce constat professionnel est assez déprimant. Non ?
"C’est triste pour l’entreprise mais pas pour moi. Je découvre des choses nouvelles avec ce mandat de DSC, des gens nouveaux, c’est très enrichissant, au sein de la Cfdt, tu peux t’impliquer dans des tas de domaines si tu le souhaites, ça t’ouvre des perspectives"

Et l’ouverture, Bruno il connait bien. Sa maison d’enfance l’était déjà. Aux quatre vents. Une fratrie de six enfants, une maman militante au Mrap (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples), un papa permanent CFDT à Usinor, la maison de Denain, proche de Valenciennes, était souvent remplie, à bloc.

« C’était de grandes tablées aux discussions animées, ça a été mon initiation je dirais, tu vois c’est trop facile, j’ai baigné là-dedans, j’ai aucun mérite. »

Biberonné à la CFDT , le petit Bruno trace sa route orange « 30 ans de CFDT bientôt ». Après une maitrise sciences techniques en art et communication « je n’ai pas fait une école de journalisme … bouhhhhh », Bruno entre en 1992 comme présentateur-monteur-reporter-rédacteur en chef à la télé communale de Grande-Synthe. « Elle existe toujours, elle a quarante ans ... J’avais pas les cheveux longs non, j’étais bien propre sur moi, mais pas de cravate faut quand même pas pousser ».

Six ans formateurs à tous points de vue. « J’ai été initié au journalisme par le syndicalisme on peut dire. En 1995 j’ai adhéré à la CFDT via les journalistes de l‘union régionale Pas-de-Calais, mes mentors c’étaient les journalistes de la Presse quotidienne régionale. »

En 1998, Bruno claque la porte d’ASTV qui lui refuse une attestation pour l’obtention de la carte de presse, direction France 3. Cdd pendant six ans il a bourlingué entre les Locales de Boulogne et de Lille avant d’être embauché au BRI.

« J’aime le journalisme parce qu’on parle du réel. Ce sont surtout les sujets sur la jungle de Calais qui m’ont marqué. C’était une époque où nous avions plus de temps pour parler, pour les rencontres sur le terrain. J’y ai entendu des histoires incroyables, des parcours singuliers, incarnant, donnant chair à des mots valises comme « réfugié » , humainement c’était assez prenant »

La santé au travail, ça se soigne

L’humain à Bruno c’est son dada. Forcément. Et l’on peut être très ouvert sans pour autant brasser de l’air. La preuve.

« Mon premier mandat c’était Délégué du Personnel, j’étais encore CDD, la loi le permet mais ça en a surpris plus d’un. Ensuite, j’ai évolué : CE, CHSCT, un mandat qui m’a beaucoup plu et très vite. J’avais l’intuition que la qualité de ce que les journalistes pouvaient produire était dépendante de leurs conditions de travail : reconnaissance, temps de préparation… On revient de loin, j’ai connu la période où le mot RPS n’existait pas. On disait bon stress et mauvais stress »

La santé au travail devient donc rapidement le combat de Bruno. Ça n’a d’ailleurs pas vraiment changé. Avec sa voix calme, ses mots toujours bien choisis, il dénonce, inlassablement, la souffrance de ses collègues au boulot.

« C’est devenu très difficile. Avant, c’était du gagnant-gagnant avec la direction. Nous avions un intérêt commun à arriver à des solutions. De meilleures conditions de travail induisent moins d’arrêts maladie. Là c’est plus le cas. Les ordonnances Macron ont tué le dialogue social et avec lui le volet CHSCT comme instance à part entière. »

Bruno ne se met pas en colère, jamais. Mais il fait un constat amer. « Ce qui est désolant, c’est qu’on s’est formé, on a acquis de l’expérience mais pour nos interlocuteurs ce n’est pas le cas. Les Rh, « la clé de voute de la santé au travail », ne le sont plus du tout. Est-ce les consignes ? Peut-être puisque la première mission du manager c’est la loyauté vis-à-vis de l’entreprise. »

"Aujourd’hui nous avons au sein de l’entreprise une structuration quasi militaire, très descendante, verticale … et qui fait souffrir y compris beaucoup de cadres intermédiaires qui se sont d’ailleurs mis en grève sur Ici. » Les bureaux en U du CSE ressemblent de moins en moins aux grandes tablées de la maison de Denain. Dommage.
Et Bruno n’est pas au bout de sa peine.

Respirer un grand coup

« La prévention primaire, la direction a du mal avec ça, on est plus du tout dans le curatif, il faut faire avancer la direction dans ce sens-là. Et c’est compliqué. »

Le projet Tempo est, en ce sens, emblématique du manque d’anticipation, risques psycho sociaux (RPS) inclus. "C’est même le pire exemple. Un échec en termes de prévention primaire".

Certaines choses avancent un peu, soyons honnêtes. « L’Overdrive où les salariés ont pu être consultés avant la rédaction du cahier des charges mais le peu de positif qu’on arrive à insuffler est balayé par de nouveaux projets, qui s’enchainent. On est dans une précarité, dans un sentiment d’insécurité permanent. L’horizon n’est pas serein. »

Un euphémisme. Ici, rapprochement France3/ France Bleu, supposées coupes budgétaires … 2024, ça va faire mal. Allô docteur ?

Alors pour décrocher, Bruno marche. Randonne. A son rythme, tranquille, contemplatif. Peut-être même trop. « Je prends toujours mon appareil photo, dans les randos je m’arrête souvent du coup pour faire des clichés, dans les cotes surtout je dois dire, ça énerve ma femme. » Les risques psycho sociaux ne sont pas toujours là où on pense...
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